loader image
Rechercher

LES GRANDES TENDANCES DU RENFORT HIVERNAL 2020-21

05/04/2021

Partagez cet article :

Maud BIGOT, directrice opérationnelle du pôle Urgence revient sur le plan froid 2020-21 et pointe que le Samu Social 69 a pu constater une évolution des profils de personnes en situation de sans-abrisme. En synergie, les partenaires du territoire de l’urgence sociale, ont tenté de répondre à des objectifs nouveaux, allant au-delà de la gestion du «moins pire».

Suite à l’annonce de l’instauration du couvre-feu, en octobre 2020, la DDCS a demandé à ALYNEA d’engager les équipes de renfort hivernal sur le terrain, 10 jours avant le début prévu. Ainsi, une partie de l’équipe a débuté dès le 19 octobre, sans l’ensemble de la formation préalable prévue. L’ensemble de l’effectif (4 travailleurs sociaux / 4 infirmiers) a pu être déployé à compter du 1er novembre et ce jusqu’au 31 mars.

Le plan froid 2020-21 a été marqué par la crise sanitaire et plus singulièrement par les décisions politiques lui étant liées. Ainsi, du 19 octobre 2020 au 31 mars 2021, l’hiver a vu se succéder couvre-feux et confinements auxquels les personnes sans-abri rencontrées à la rue, à défaut de place d’hébergement ou de logement, n’étaient pas en mesure de se conformer.

Le plan froid 2020-21 s’est aussi inscrit dans la continuité de celui de 2019-20 avec des mises à l’abri ciblées sur les personnes « à la rue » (priorisation des places renfort hivernal, propositions de solution pour les personnes évacuées des campements).

Du 19 octobre 2020 au 31 mars 2021, les équipes ont rencontré 1519 personnes différentes (et 1689 personnes dites « anonymes* » ). Il importe de noter une augmentation importante de la proportion de personnes dites « isolées » (+37%) rencontrées par rapport au plan froid 2019-20, en dépit d’une offre d’hébergement en renfort hivernal plus importante que les hivers précédents. Cet élément tient à un décrochage structurel entre l’offre et la demande d’hébergement pour ce public depuis 5 ans.

En revanche, nous notons en parallèle une diminution du nombre de familles rencontrées. Celle-ci est à mettre en lien avec la politique « zero remise à la rue » portée sur le territoire, politique ayant bénéficié aux ménages pris en charge sur le plan froid 2019-20 et lors de l’apparition de la crise sanitaire. Elle est aussi à mettre en relation avec un changement dans les prises en charge proposées par la Métropole, cette dernière assurant désormais systématiquement l’hébergement des femmes enceintes ainsi que des femmes avec enfant de moins de 3 ans.

Cette évolution des publics à la rue démontre qu’une politique ambitieuse en matière d’hébergement/logement a un impact sur la réalité. La synergie des volontés et des acteurs autour d’un objectif politique constitue un virage fort dans le fonctionnement d’un système jusque là administré dans une logique de gestion « au moins pire ». Charge aujourd’hui aux partenaires (Etat, collectivités territoriales, associations…) d’engager cette même énergie autour d’un horizon partagé, hors plan froid et crise sanitaire, à destination de l’ensemble des personnes en attente de solution auprès de la MVS. Nous connaissons désormais collectivement, par l’expérience, le chemin à emprunter pour diminuer de manière significative le sans-abrisme sur le territoire.

Maud BIGOT Directrice Opérationnelle du Samu Social d’ALYNEA

Aller plus loin

Découvrez d'autres articles

illustustration_femme_alynea

Madame C. et Monsieur V.

Un couple marqué par le sans-abrisme

Originaires de Picardie, ils quittent avec leurs 3 enfants leur maison d’Airaines en 2008 pour tenter leur chance en Corse puis à Lyon. Sans emploi, ils font face à des difficultés familiales avant de se trouver sans hébergement.

Souhaitant avant tout protéger leurs enfants et assurer leur scolarité, ils s’adressent au Conseil Général pour un placement provisoire. Ils sont orientés dans différents foyers dont le CHRS Carteret d’ALYNEA, mais la collectivité leur est difficile. Ils ne supportent ni la promiscuité, ni le cadre imposé. La collaboration avec les équipes est alors compliquée.
Pendant presque 3 ans, ils vont vivre dans la rue, abrités sous la bibliothèque universitaire rue Chevreul. La nuit, ils dorment en alternance afin que l’un des deux surveille leurs sacs à dos dans lesquels se trouve toute leur vie. En journée, ils fréquentent la Maison Rodolphe du Foyer Notre Dame des Sans Abri où ils déjeunent, se douchent, font leur lessive. Ici, ils sont suivis par Marc (prénom d’emprunt) assistant social avec qui ils seront en confiance.

« C’est la première personne qui nous a compris en repérant que le type d’hébergement qui nous conviendrait serait un appartement individuel. »

Dans la rue, leur santé se dégrade. Suzanne est hospitalisée plusieurs fois, sous-alimentée, alcoolisée, les articulations douloureuses. Les acteurs sociaux se mobilisent pour trouver une solution : Marc, la Maison de la Veille Sociale, le Samu Social 69, s’adressent au Préfet pour qu’un hébergement d’urgence soit débloqué. 5 mois plus tard, ils sont hébergés à l’hôtel.
Le couple poursuit son chemin dans un dispositif d’hébergement en appartement avec l’équipe de Polygônes d’ALYNEA qui considère que l’habitat est le point de départ de l’accompagnement.
Suzanne a arrêté de boire et soigne sa polyarthrite. Son compagnon, épileptique, suit son traitement. Grâce à des visites accompagnées par un médiateur et des entretiens téléphoniques réguliers, ils sont en lien avec leurs enfants.
Le prochain objectif est l’accès à un logement de droit commun : le bail serait d’abord signé entre le propriétaire et ALYNEA ; pendant cette durée déterminée, ils seraient sous-locataires et toujours accompagnés par Polygônes, avant que le bail « glisse » à leurs noms.

illustustration_homme_alynea

Monsieur B.

« Rescapé de la solitude »

Monsieur B. intègre son hébergement en appartement de coordination thérapeutique en octobre 2017. Il doit alors quitter l’hébergement mis à disposition par le centre Léon Bérard où il suit un traitement médical. Même si Monsieur B. a fui, pour des raisons politiques le Congo Kinshasa, il est débouté par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) et par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Arrivé en France blessé, il apprend qu’il est gravement malade. Soutenu par l’assistante sociale de l’hôpital, il obtient un titre de séjour pour soins qui lui permet de se faire soigner et rester sur le territoire le temps nécessaire.

« Nous les Africains, on vit ensemble, on ne connait pas la solitude. Ici j’ai beaucoup souffert de l’isolement, j’étais au fond du trou. Isolé, malade, séparé de ma famille, j’avais les pires idées. »

Depuis le début de son accompagnement par Entr’Aids, il a trouvé ce dont il avait besoin, une équipe professionnelle qui se soucie des êtres humains et qui soutient moralement les personnes. Son cadre de vie lui permet également de retrouver un vivre ensemble : des relations conviviales de voisinage, le partage de petits déjeuners et de repas avec l’équipe…

« L’hôpital m’a soigné, ALYNEA m’a sauvé la vie, je suis un rescapé. »

Lors de cette rencontre, Monsieur B. est en rémission et a retrouvé du sens dans son quotidien en tant qu’agent de sécurité aux abords de l’école, et bénévole au sein de l’association Singa (mouvement citoyen international visant à créer du lien entre personnes réfugiées). Il a pu reprendre ses fréquentations à la bibliothèque, et récupérer l’appétit et le goût de vivre.

illustustration_homme_alynea

Monsieur BEN ATTIA

Sa création d’entreprise lui ouvre l’accès au logement

Qu’avez-vous pensé de la 1ère rencontre avec l’équipe du CoWork ?

Une opportunité à ne pas rater ! Je m’y suis tout de suite accroché. Je n’avais pas beaucoup de solutions et l’accompagnement proposé était pour moi un plus, surtout pour le volet administratif. J’ai senti que ça n’allait pas être une perte de temps.

Quel est votre quotidien depuis le début de votre activité ?

Je travaille 35h par semaine : du mercredi au samedi, dans le camion de livraison et le lundi je gère l’administratif (en tant qu’auto-entrepreneur je m’occupe de la facturation, de la communication, de la commercialisation). Le dimanche, je suis avec ma famille. J’ai embauché un livreur en CDD de 6 mois à mi-temps. Un comptable gère la paie, en prestation externe. Aujourd’hui, mon objectif est d’investir dans l’achat d’un camion. Pour l’instant, on tourne en location, et ça représente une perte d’argent conséquente, surtout lorsqu’on doit en louer deux (environ 2 jours par semaine).


Mon entreprise marche bien, c’est ce que je souhaitais ! Je rembourse mes mensualités pour le crédit que l’ADIE m’a accordé pour lancer mon activité. Je me dégage un bon salaire pour payer mon loyer et nourrir ma famille. Je suis très content ! J’ai trouvé un appartement F4 à Lyon 8, dans du neuf. Être patron avec des bons chiffres, ça change tout quand tu cherches un appartement !

La fréquence de votre accompagnement a dû évoluer depuis le mois d’août, notamment depuis le début de votre activité ?

Mon contrat d’accompagnement (de 3 mois) a été renouvelé plusieurs fois. Je viens encore une fois par semaine les lundis, jour que je consacre à l’administration de ma société. Parallèlement je reste en contact téléphonique régulier. Au moindre doute, j’appelle. Sarah est comme une conseillère, dès que j’ai une question, je prends mon téléphone, « Allo Sarah ? » Elle se renseigne puis m’oriente pour que je puisse reprendre la main. Au minimum, je suis en contact deux fois par semaine avec elle. C’est vraiment un apport précieux car sans le CoWork, j’aurais des papiers non-traités. À chaque étape, le dispositif s’adapte par rapport à mes besoins.

Comment peut-on améliorer le service ?

On a fait une réunion avec les autres coworkers et l’équipe pour identifier les besoins et optimiser l’accompagnement humain en termes de formation, d’espace de travail, d’équipement en ordinateurs et imprimantes. Moi j’ai la chance d’avoir un ordinateur, mais ce n’est pas le cas pour les autres coworkers. Les gens hébergés en foyer sont en difficulté et n’ont ni le matériel, ni l’espace pour travailler. Il
manque encore beaucoup de choses nécessaires pour vraiment aider les gens qui n’ont pas les moyens. Il nous faut aussi des modules de formations simples, par exemple je ne maîtrise pas encore Excel et Word, or j’en ai besoin pour gérer mes factures.

Quel conseil donneriez-vous à une personne qui a envie de monter sa boite et qui n’ose pas car elle est en situation de précarité face au logement ?

Il faut y croire ! Ici il y a vraiment des gens qui ont du cœur avec des compétences, qui veulent nous aider. Il faut savoir prendre la main des personnes qui la tendent pour se mettre sur les bons rails et mener son projet. Vous déménagez ? N’hésitez pas à le contacter !