La circulaire du 12/12/17, co-signées des ministères de l’Intérieur et de la Cohésion des territoires, instaurent des procédures de recensement et d’évaluation des personnes sans-abri ou hébergées d’urgence, pour un examen de leur nationalité et de leur statut administratif.
Nous ne pouvons qu’éprouver de vives inquiétudes quant au durcissement des orientations gouvernementales en matière d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement des personnes sans domicile étrangères.
Dans ce contexte ALYNEA a réaffirmé fermement :
- Que le principe d’accueil inconditionnel en hébergement, et son corollaire la continuité de la prise en charge, constituent non seulement la pierre angulaire de notre engagement, mais encore un principe cardinal du code de l’action sociale et des familles (CASF) sur lequel repose l’ensemble du secteur de la veille sociale, de l’hébergement, et de l’accompagnement.
- Que nous nous opposons à toute forme de mise en concurrence de la pauvreté et de la misère, sans égard à la nationalité ou le statut administratif des personnes qui en sont affligées.
- Que nous refusons que les centres d’hébergement se muent en lieux de contrôle et de tri des personnes sans domicile, et que les intervenants sociaux, auxquels elles font confiance, deviennent des auxiliaires de police ou de l’administration.
- Que nous ne nous soumettrons pas aux injonctions illégales de collecte et de transmission d’informations à caractère personnel susceptibles de porter préjudice aux personnes.
- Que même sans droit au séjour, les personnes ne sont pas dépourvues de droits (à l’hébergement, à la santé, à l’éducation, à la protection du domicile, à la protection contre les traitements inhumains et dégradants, etc.).
Photos Philippe MERCHEZ
Le dispositif d’hébergement d’urgence a pour unique finalité d’apporter une aide et une protection aux personnes qui sont à la rue ou en difficulté, et de les accompagner dans leur insertion sociale. Il n’est pas destiné à l’examen des situations administratives des ressortissants étrangers. Il n’appartient ni aux agents de l’Office français de I’immigration et de l’intégration (OFII), ni aux agents de la Préfecture d’intervenir dans les décisions d’admission ou de sortie des centres d’hébergement relevant du dispositif d’hébergement d’urgence.
La circulaire prévoit « l’examen des situations administratives dans l’hébergement d’urgence » par des « équipes mobiles » composées d’un ou plusieurs agents de l’OFII et d’agents de la préfecture compétent en droit des étrangers : « Ces équipes mobiles […] devront : sur la base du recensement des personnes présentes dans les hébergements, procéder à une évaluation administrative. L’équipe mobile devra s’entretenir avec les personnes de nationalité étrangère, déterminer leurs conditions légales de séjour en France et s’assurer qu’elles ont pu faire valoir l’ensemble de leurs droits ».
Lors de la venue de ces équipes mobiles, ALYNEA refusera de communiquer des listes de personnes. Nous sommes en effet soumis à une obligation de confidentialité des informations dont nous avons connaissance dans le cadre de nos missions. En effet, tous les centres d’hébergement doivent garantir les droits prévus par la charte des droits et libertés des personnes accueillies, dont le droit pour les personnes à la confidentialité des informations qui les concernent.
Par une ordonnance rendue le 20 février 2018, le juge des référés du Conseil d’État refuse de suspendre cette circulaire. Cette décision limite cependant la portée de la circulaire :
- Le Conseil d’Etat note que les équipes de l’OFII et des préfectures ne disposent d’aucun pouvoir de contrainte, que ce soit à l’égard des personnes hébergées ou des gestionnaires des centres d’hébergement.
- Il retient que les seules informations que les équipes mobiles intervenant dans les centres d’hébergement d’urgence peuvent recueillir sont celles que les personnes hébergées qui acceptent de s’entretenir avec elles souhaitent leur communiquer. Il rappelle également que la circulaire n’a pas pour objet et ne peut légalement avoir pour effet de dispenser l’administration du respect de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui régit la mise en œuvre des traitements de données à caractère personnel.
Pour les associations, la mobilisation continue puisque le Conseil d’État doit se prononcer « à bref délai » sur la légalité de la circulaire dans le cadre d’un recours au fond.