
A la suite de notre débat du 13 novembre 2014, nous pouvons confirmer que le terme de palliatif produit toujours un effet répulsif notoire ! Il est vrai qu’il y a dans ce vocable un côté provocateur manifeste. Cela dit, sans cette provocation, aurions-nous été aussi nombreux à cette soirée débat ?
Sans doute nous faut-il dépasser ce côté provocateur pour nous intéresser d’abord à ce que nous entendons proposer à ALYNEA.
Tout d’abord, il est important de partir d’un rapide diagnostic de la situation dans laquelle nous nous trouvons dans les CHRS, organisés en internat. Ces dispositifs d’hébergement ont été créés il y a une quarantaine d’années, dans un contexte bien spécifique. Nous pouvons affirmer que 40 ans plus tard, les choses ont considérablement évolué. Le contexte législatif n’est plus le même et les populations orientées non plus. Aujourd’hui, les critères d’orientation se font d’abord sur des motifs de très grande vulnérabilité. Notion peu objective qui rend l’exercice délicat et interroge quant au rôle, que l’on fait jouer aux travailleurs sociaux, de prioriser des orientations sur des critères de santé.
Autre élément, le caractère inconditionnel de l’accueil en CHRS fait que nous accueillons des personnes dont la situation administrative ne permet pas de parcours d’insertion. Dans ce contexte, n’y-a-t-il pas un paradoxe à accueillir des personnes qui relèvent de bien d’autre chose que d’un seul accompagnement social ? N’est-ce pas duper les équipes qui se trouvent empêchées dans leur exercice professionnel ? Cette situation n’est pas nouvelle, elle est connue de tous, y compris des services de l’Etat. L’accueil en CHRS impose des contrats de séjour de 6 mois éventuellement renouvelables. De fait, nous avons très régulièrement des personnes, qui à défaut d’autre solution, restent plusieurs années dans nos centres d’hébergement. Organiser un accueil en hébergement de quelques mois, ne relève pas des mêmes logiques que celui de pouvoir accueillir, au long cours, une personne.
Dans ce contexte, deux solutions s’offrent à nous. Soit, nous organisons une sélection, lors de l’admission, pour n’accueillir que des personnes qui relèvent d’une seule prise en charge sociale et d’un parcours possible d’insertion. Soit, nous continuons d’accueillir tout le monde, sans distinction. C’est, évidemment, cette hypothèse que notre association entend privilégier ; c’est aussi le point de départ, dans lequel la notion de travail social palliatif peut trouver une déclinaison opérationnelle. Cela implique des évolutions significatives pour les équipes professionnelles afin d’être en cohérence avec les personnes accueillies.
En premier lieu, il convient de se servir des CHRS d’abord comme d’un cadre règlementaire. L’enjeu n’est plus dans la construction d’un énième dispositif, mais de privilégier la notion de parcours. C’est, finalement, organiser un dispositif dans une logique à géométrie variable pour rejoindre chacun dans sa singularité.
L’enjeu est, pour nous, de repartir réellement du besoin des personnes. La loi du 02 janvier 2002, rénovant l’action sociale, a réaffirmé cette place essentielle. Force est de constater que nous avons été trop timorés dans son application. Il faut aussi reconnaître que l’organisation en internat et la vie en collectivité ne facilitent pas l’émergence d’une expression individuelle. La tentation est alors forte de faire à la place des personnes et d’induire une certaine forme d’assistanat. Il s’agit donc de faire « à partir de », en privilégiant la capacité d’agir des personnes. Reconnaître à chacun, même chez les plus fragilisés, sa capacité d’action qui permettra de « réchauffer » la relation et alors d’envisager un possible parcours d’insertion.
Il faut ensuite créer des espaces d’initiatives, d’activités. On s’ennuie beaucoup dans les centres d’hébergement. Les personnes n’ont pas nécessairement la capacité administrative ou physique de pouvoir travailler. Si les personnes ne relèvent pas du droit du travail classique faut-il s’en satisfaire ? Il est donc indispensable de développer de l’activité économique, avec un statut administratif adapté à tous, pour rendre possible cet engagement. L’accès au logement, au travail, à la santé ne suffisent à être un citoyen à part entière. Nous sommes des « hommes debout » aussi par ce que nous avons accès à la parole, aux loisirs, au sport, à la culture… A nous de développer tous ces espaces d’engagement.