Valentin

Interview RCF – Novembre 2023

Je suis tombé sur des gens qui étaient prêts à m'aider à la hauteur de ce que je pouvais, de ce que j'étais capable de procurer à ce moment-là.

Propos extraits d’une interview du 20 novembre sur RCF Lyon – M comme midi – 20 novembre 2023.

Moi, je dormais dehors, je dormais sur la place et quand tu te réveilles, tu es sous le regard des gens. Le matin quand je me réveillais, j’avais les commerçants qui étaient là. Le regard des Lyonnais aujourd’hui, c’est qu’ils ne veulent plus qu’il y est des gens dehors. Il y a plein de gens qui s’investissent dans le bénévolat. Il y a beaucoup d’associations qui viennent nous voir quand on est dehors. Mais à Lyon, ce qui manque, c’est des solutions adaptées aux personnes qu’on est. On est là, avec nos chiens, nos femmes ou quelque chose. Moi on m’a dit plusieurs fois « il y a des CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale), si tu veux venir dormir ici, tu laisses ta femme là-bas avec le chien ». […]

Là où je suis maintenant à Zone Libre, certains à 45 ans, ce sont des enfants ! Il faut leur apprendre. Ça fait 20 ans, qu’ils ont pas eu de chez eux. Ca veut dire, ca fait 25 ans, que toi, tu ouvres la porte de chez toi, et l’autre, ça fait 25 ans, le seul truc qu’il ouvre c’est sa canette de bière. Donc à un moment il faudra prendre à vivre chez nous-mêmes, à apprendre à avoir un chez soi. A plus de 50 ballais, y’en a qui ne savent pas ce que c’est qu’un chez soi ! […]

Moi j’ai toujours été un gamin difficile. Je ne savais pas où était ma place en fait. J’ai grandi dans les quartiers un petit peu. J’ai des parents sourds et muets. Je n’avais personne pour parler quand j’étais petit. Personne pour me mettre des limites. J’ai été vite à l’Aide Sociale à l’Enfance. A l’ASE, on m’a placé dans une famille d’accueil. Franchement super bien. Jamais été dans une famille aussi normale de ma vie. […]

Puis je suis parti en foyer. Ça a été la dégringolade. […] A ce moment-là, j’ai pris mon sac à dos, j’ai dit tchao et je me suis barré. […] J’ai passé 6 ans, 7 ans à bouffer le vrai par terre. A avoir des violences policières. De 2013 à 2015, je me suis réveillé de Tours à Toulouse tous les matins devant une banque par les coups de la police à 06h30. Parce qu’il faut que le petit clochard il dégage quand le riche banquier vient venir retirer ses billets. […]

Il y a 4-5 ans maintenant, j’ai fait la rencontre de 2 éducateurs, JB et Marion.  C’est la Maraude jeunes. Des éducateurs géniaux ! Des gens qui ne demandaient rien. Parce qu’en fait tout le monde te promet de t’aider quand t’es dehors, mais personne va jusqu’au bout.

Je ne voulais pas être aidé et eux ils sont restés là tous les jours. Tous les jours, ils sont venus me voir devant la gare. J’étais en train de faire la manche devant la gare de la Part-Dieu.« Ouais ça va Valentin ? Tout va bien ? ». Petite discussion, amicale ! Et en fait ils ont mis cette proximité-là. Certes je parlais à 2000 personnes par jour pour faire la manche. Mais la proximité avec quelqu’un qui juste veut passer du temps avec toi, dehors, t’en as pas beaucoup. […] Je suis tombé sur des gens qui étaient prêts à m’aider à la hauteur de ce que je pouvais. De ce que j’étais capable de procurer à ce moment-là parce que j’étais dans une déchéance de moi-même. Je n’étais pas encore capable de voir et de surmonter. Ces gens-là, ils ont pris le temps de m’accompagner au meilleur moment je pense.

Je ne veux pas être un ancien, comme je vois certains, à avoir passé 20 ans de ma vie à ne pas ouvrir une porte et à juste ouvrir mes canettes de bière. Si je ne suis plus dans ce parcours là c’est grâce à eux. 

Ecoutez l’émission complète : Appel aux dons : il y a urgence pour le Samu Social de Lyon | L’invité de M Comme Midi · RCF Lyon | RCF Lyon