Maud BIGOT, directrice opérationnelle du pôle Urgence à ALYNEA (Samu Social et SOS Voyageurs) a co-géré jusqu’au 20 mai, un centre ouvert pour mettre à l’abri 160 personnes pendant la crise sanitaire -100 en familles, accompagnées par la Fondation Armée du Salut et 60 isolées accompagnées par ALYNEA.
Elle a écrit ce texte pour les Actualités Sociales Hebdomadaires parues le 15 mai dernier, traduisant un dispositif de l’hébergement sous-calibré et révélant aussi une coopération très forte entre l’état, la Métropole de Lyon et les associations pendant la crise sanitaire.
« Je ne sais pas aujourd’hui s’il y aura un «avant» et un «après». Encore dans le tourbillon du «faire» qui embue la pensée. En revanche, depuis le Samu Social à Lyon, dès les premiers jours, j’ai mesuré les conséquences de l’ «avant». Dans un département où le dispositif d’hébergement est structurellement sous-calibré, les sans-abri que nous rencontrons se sont en effet retrouvés, dans un 1er temps, confinés dehors, englués sur un bitume depuis lequel la manche est devenue impossible, emmurés dans un dehors face aux portes closes des hébergements déjà pleins et des accueils de jours contraints de fermer, du fait de l’exiguïté de leurs locaux.
Le «pendant» a donc été celui des besoins à faire remonter lors des conférences téléphoniques, des solutions à inventer, des montagnes à déplacer… Progressivement, les fontaines ont rouvert tout comme certaines des toilettes de la ville. Des lieux d’hygiène ont pu être proposés, du savon et du gel hydroalcoolique distribués.
J’ai vu l’état, la métropole, les villes, les associations, se soucier ensemble de l’accès à l’eau, l’enlèvement d’ordures et la nourriture des squats et bidonvilles. Et 500 places d’hébergement supplémentaires ont pu voir le jour.
Dans le contexte de la crise sanitaire, ce qui semblait impossible a pris forme dans le réel, en décalant les pratiques, en multipliant les heures de travail, en décloisonnant les secteurs.
Les lignes ont bougé… sans autre considération que de parer à l’urgence, héritée de l’«avant». Malgré ces efforts sans précédent, 1000 personnes ont continué à contacter le 115 à Lyon sans obtenir de solution. Si elles ont généralement fini par parvenir à s’alimenter, se doucher, obtenir du gel et du savon, elles sont restées confinées dehors et le demeureront encore des mois, en dépit du droit inconditionnel à l’hébergement, cris sanitaire ou pas. A l’issue du «pendant», j’ai à la fois hâte et peur de l’«après».
Si, collectivement, nous avons défié l’impossible, cela n’a pas été assez et nous ne devrons jamais l’oublier, au nom des personnes qui ont passé le confinement dans la rue. Si, collectivement, nous avons défié l’impossible, il est aujourd’hui indispensable de refonder le secteur, en transformant la synergie humanitaire en politiques structurelles fortes, en matière de résorption du sans-abrisme.
J’espère que nous serons en capacité de nous atteler aux défis de la terrifiante précarisation de nouvelles catégories de publics, en renforçant les solidarités à partir du paradigme de l’accès aux droits et de leur respect, le seul à même de protéger efficacement les populations, même lorsque les crises adviennent. «
Aujourd’hui, et depuis l’annonce du déconfinement, l’état et la Métropole se sont engagés dans un plan inédit de « zéro remise à la rue ». Associations, pouvoirs publics, bailleurs sociaux, secteur privé se mobilisent actuellement autour de cet objectif, démonstration de force qu’un changement de méthode rend possible ce qui semblait jusqu’alors impossible. Le Rhône a donc été précurseur, précédant de deux mois l’instruction donnée aux préfets, le 2 juillet, de « ne pas fermer de places sans solution de relogement pour les personnes ». Avec un temps d’avance, nous ne doutons pas qu’en démultipliant l’énergie et l’intelligence collective, nous parvenions à atteindre l’objectif visé. Depuis ALYNEA, nous sommes très fiers de participer à cette dynamique.
Chiffres de l’hébergement dans le Rhône
5100 places permanentes d’hébergement.
900 places ouvertes dans le cadre du dispositif hivernal prévu initialement jusqu’au 31.03.2020, prolongé jusqu’au 10.07.2020.
540 places créées pendant le confinement.
+ de 1500 places à trouver
1700 personnes vivent en squat ou en bidonville sur l’agglomération lyonnaise.
Parc social sous dimensionné : 70 000 demandeurs pour 9 000 attributions par an.
9500 personnes en demande d’hébergement.